En donnant corps au théâtre de l'absurde, aux côtés de Samuel Beckett, Eugène Ionesco (1909-1994) a bouleversé à jamais les fondements et les codes du théâtre européen, renonçant à une fonction purement ludique, et plaçant l'homme et son destin au coeur d'une véritable remise en question et d'une réflexion nouvelle.

Défenseur d'un art irréaliste prenant à contre-pied la tradition et d'une liberté totale dans l'écriture, l'écrivain prône la dérision, l'action minimaliste, la répétition incessante qui fait perdre au temps tout son sens, l'impossible communication et ses conséquences (loufoqueries, quiproquos, non-sens). Son écriture se nourrit de ce qu'il est, de ses rêves, de ses cauchemars, de ses tourments, de ses expériences vécues. Ses premiers personnages grotesques et caricaturaux évoluent vers des figures attachantes, farcesques autant que pathétiques, au travers desquelles l'écrivain exprime une part de lui-même. Sa présence discrète s'impose progressivement avec l'invention de Bérenger, double assumé et récurrent, qui donne à voir toutes ses angoisses, la peur de la mort omniprésente depuis l'enfance, les questions métaphysiques qui assaillent le dramaturge. Il révèle aussi son engagement à dénoncer les totalitarismes, la monstruosité des hommes animés par la folie de destruction et l'horreur des camps concentrationnaires.

Trente ans après la disparition de l'auteur, roumain par son père, français par sa mère et sa culture, cette édition propose de mettre en lumière la parfaite unité et la modernité de cette oeuvre avant-gardiste, en retraçant le parcours biographique, intellectuel et artistique d'un dramaturge engagé et profondément libre, d'« un homme en question ».